Depuis un demi-siècle Phyllis Lambert a créé un univers de beauté. Au cœur de cette démarche un moteur et une motivation, innover et donner à toute organisation urbaine une âme, réconcilier
l’utile et le beau. Créer pour la vie, créer pour son expression et l’épanouissement humain des dimensions environnementales, affectives, cognitives à unir pour façonner un art structuré par une nouvelle kinesthésie sociale fondée sur l’architecture.
Phyllis Lambert a pris acte de son rôle de mentor universel et s’est inscrite, via ses initiatives en Europe, dans les Amériques et sur la planète de la création et de l’organisation structurelle art/design/architecture/développement social et politique, comme chef de file de la révolution la plus importante des 20e et 21e siècles, celle de l’urbanité globale. Les trois prochaines décennies vont voir basculer dans les zones urbaines, plus de la majorité de la population du monde, Phyllis Lambert, visionnaire, a précédé cette tendance, elle a imposé un axiome favorable « à l’avancement de l’architecture contemporaine et pour sa défense des aspects sociaux de la conservation du patrimoine urbain ainsi que de la dimension publique de l’architecture ».
Comment cerner ce personnage en mouvement sur toutes les scènes, mais constamment à l’avant-garde du progrès lui-même? Femme, elle choisit l’affirmation de son identité, l’autonomie financière dans un contexte d’abondance et avec une attitude et des choix de vie ouverts sur le partage, la solidarité, l’aide aux causes qui sont les plus dignes et aux personnes qui sont engagées aux côtés des démunis. Phyllis Lambert a conçu le plan d’urbanisme interactif le plus ambitieux en agissant principalement à Montréal, à New York, à Chicago, en axant son œuvre sur des partenariats d’envergure et intercontinentaux, dans leur conception, leur développement et surtout grâce à sa présence à la base au nœud des communautés. Phyllis Lambert est engagée pour la démocratie urbaine et la gouvernance locale. Elle a soutenu, et continue de soutenir, les communautés fragiles, les regroupements progressistes qui militent pour une plus grande participation citoyenne au devenir collectif.
De manière précise, cette jonction entre la personnalité et la communauté mérite d’être mise en évidence. Activement engagée dans la conservation du patrimoine urbain, Phyllis Lambert est présidente fondatrice d’Héritage Montréal (1975), organisme indépendant et sans but lucratif qui se consacre à la préservation du patrimoine urbain et architectural montréalais. Elle a joué un rôle déterminant dans la création de la Société d’amélioration de Milton-Parc, projet coopératif de rénovation d’habitations le plus important au Canada. Depuis 1984, elle est membre du conseil d’administration de la Société du Vieux-Port de Montréal, organisme responsable de la transformation de ce lieu historique autrefois industriel en un lieu à vocation sociale. En 1997, Phyllis Lambert a créé le Fonds d’investissement de Montréal (FIM), seul fonds privé canadien participant à la revitalisation des quartiers hébergeant une population à faible et moyen revenu. En 1999, elle lançait le Prix du CCA pour la conception des villes, concours organisé par la Fondation du CCA.
Son action, sous l’angle de l’apport à la communauté se conjugue harmonieusement avec ses interventions dans tous les secteurs névralgiques de sa propre praxis : pratique de l’architecture, muséologie, recherche, vie communautaire, éducation. Une vie actuelle de huit décennies qui foisonnent de publications, d’œuvres patrimoniales essentielles créées ou rénovées, de collections artistiques de valeur dont la création et la propulsion du Centre canadien d’architecture (CCA) depuis 1979, vaisseau culturel unique et à l’avant-garde permanente; une contribution méthodique, solide, cohérente et généreuse reconnue désormais comme acte patrimonial mondial.
Au quotidien, Phyllis Lambert est en dialogue avec l’infini, elle médite, elle pratique le yoga, elle cohabite avec l’art, elle évolue de manière transversale dans un univers où la photographie, comme médium démiurgique et art éphémère/éternel lui sert de levier et d’instrument de sensibilisation, d’éducation et de cohésion entre ses champs d’intérêts et la société à qui elle destine son geste, semblable à une troubadour de la création. Phyllis Lambert a renouvelé le genre de la mission photographique en architecture. En 1974, elle lançait le Court House Project, un relevé photographique des palais de justice de comté aux États-Unis, et collaborait à la publication à laquelle ce projet a donné naissance. En 1982, elle était commissaire, avec Richard Paré, de l’exposition du CCA Photographie et architecture, 1839-1939, présentée ensuite à Chicago, New York et Ottawa. Une autre mission photographique permettait, entre 1989 et 1995, de réunir près de 1 000 photographies des paysages de Frederick Law Olmsted, corpus qui a constitué le fonds d’archives Frederick Law Olmsted du CCA et a permis d’organiser l’exposition Frederick Law Olmsted en perspective : Photographies de Robert Burley, Lee Friedlander et Geoffrey James (1996-1997).
Culture Montréal, dont elle est un pilier présentait avant les salles Ex-centris, Citizen Lambert : Jeanne d’architecture, film canadien produit en collaboration avec la France, couleur, 52 minutes/anglais, s-t Français. Film de Teri Wehn Damish coproduit par l’Office national du film du Canada et Philia Films. Le texte de présentation retient : « Cette femme publique contraste avec la Phyllis privée, présentée par un abécédaire, un montage de films tournés à la résidence personnelle de Lambert, qui révèle celle-ci au naturel, « non censurée », selon ses propres mots. De ce portrait composite se dégage la figure d’une visionnaire pleine d’idées, d’une femme combative dotée d’une saine ambition, d’un esprit libre ».
Regard curieux au sens d’un éveil, toujours nouveau, d’une curiosité faite d’avidité de découvrir, d’envie d’entreprendre, de volonté de conquérir les cœurs, les espaces, les esprits. Humble et fière, d’une beauté qui s’exprime dans l’action et la planification, dans tout ce qui caractérise la communication, la sensibilité et l’amour du beau, la philosophie des lieux. Telle une prêtresse maître parfaite de son art d’être, Phyllis Lambert accepte désormais les compliments, poursuit avec certitude, malgré le doute initial parfois apparent sur la finalité de son œuvre, elle affirme avec sagesse et bonheur que la vie appartient aux êtres ouverts sur le monde.
Pour un encadré à part :
Éducation et diplômes honorifiques
En plus d’être titulaire d’un baccalauréat du Vassar College de Poughkeepsie (1948) et d’une maîtrise en architecture de l’Illinois Institute of Technology de Chicago (1963), Phyllis Lambert a reçu 27 diplômes honorifiques d’universités d’Amérique du Nord et d’Europe. Elle a été chercheur invité de l’Institute for Advanced Study de Princeton, au New Jersey, en 1986, et boursier en résidence de l’Institute for Advanced Studies in the Humanities de l’Université d’Édimbourg en 1991.
Prix
En plus des prix et honneurs mentionnés plus haut, Phyllis Lambert a reçu en 1992 le prix Lescarbot qui lui a été décerné par le gouvernement du Canada pour sa contribution exceptionnelle à la vie culturelle canadienne et, en 1994, le prix Gérard-Morisset, la plus haute distinction accordée par le gouvernement du Québec dans le domaine de la muséologie et de la conservation du patrimoine. Elle a reçu en 1997 le prix Hadrien du World Monuments Fund pour son rôle dans la conservation du patrimoine artistique et architectural mondial et, en 2001, le Montblanc Arts Patronage Award. En 2003, elle a remporté le prix Blanche-Lemco-Van-Ginkel de l’Ordre des urbanistes du Québec et, en 2005, le Prix d’excellence du défenseur ou bienfaiteur de l’architecture de l’Institut royal d’architecture du Canada En 2006, le National Building Museum de Washington lui a décerné le prix Vincent J. Scully en reconnaissance de sa remarquable contribution au design de l’environnement bâti, à la sensibilisation du public et à la sauvegarde du patrimoine architectural.
Distinctions honorifiques
Phyllis Lambert est Compagnon de l’Ordre du Canada, Grand Officier de l’Ordre national du Québec, Fellow de la Société royale du Canada, Fellow du Institut royal d’architecture du Canada, Honorary Fellow du Royal Institute of British Architects, Honorary Fellow de l’American Institute of Architects, Chevalier de l’Ordre de la Pléiade et Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres de France.