Son éducation, ses études, ses voyages, l’ampleur de son registre de compréhension et de maîtrise des langues (Taïwanais, Mandarin, Japonais, Anglais, Français), ses compétences d’interprète, de négociatrice, d’animatrice d’équipe, de chef de file, de conceptrice, en font une personne exceptionnelle. Après des études au Lycée de Hualien à Taiwan, elle est admise (1975) à l’Université Seinan Gakuin de Fukuoka au Japon, où elle achève de brillantes études (baccalauréat, licence) en langue anglaise en 1979. Quelques années plus tard en 1985, après de longues et très sélectives épreuves, elle réussit le Certificat d’interprète simultané (japonais/chinois) de l’Ecole d’interprétariat simultané international de Tokyo et deux ans plus tard (1987), à trente ans, elle est reçue avec les honneurs comme maître d’enseignement de la langue japonaise à l’Institut Nihongo de Tokyo. Elle travaille comme interprète et aussi comme professeur de Chinois au Japon, « C’est le seul métier où il n’y a pas de discrimination entre hommes et femmes ».
En 1988, en France (Grenoble), elle enseigne le Japonais et réussit un certificat en Français (1989), elle retourne au Japon où elle travaille comme interprète (chinois/japonais/anglais/français) pour une agence immobilière dont elle développe le réseau de vente (1990-1991) et arrive à Montréal en 1991. Traductrice et rédactrice pour de nombreuses firmes, conseillère linguistique et culturelle pour l’industrie cinématographique, elle est au Jardin de Chine du Jardin botanique depuis 7 ans, responsable de la gestion, conceptrice, négociatrice des ententes internationales, responsable des campagnes de financement de la Société du Jardin de Chine.
Allez visiter le Jardin de Chine au Jardin Botanique de Montréal. L’ensemble des pavillons brille par son authenticité et son raffinement architectural. Chaque objet est mis en scène, expliqué, interprété et les expositions successives, saisonnières ou ad-hoc, sont accessibles, mise en oeuvre avec méthode et, à la fois fidèles à la grande Tradition de la Civilisation chinoise dans les détails, et pourtant d’une convivialité surprenante. Ce tour de force, Ming J. Shyr refuse que nous le lui attribuons, « C’est une réalisation d’équipe » ponctue t-elle constamment durant notre rencontre. Elle est généreuse au travail, le public est respecté dans toutes les opérations, elle donne sans compter. Elle a réussi un véritable record Guiness : en une semaine elle est allée en Chine au Yunan, elle seule pouvait faire cette prouesse, a trouvé, négocié et acheté des centaines de bambous qui sont arrivés au Jardin dans des « containers ». La maison de bambous ainsi que le chemin balisé de bambous géants sont désormais partie intégrante du Jardin de Chine, le plus complet et nous osons le dire, le plus extraordinaire de tous ceux qui existent hors du territoire de la Chine.
Ming J. Shyr est présente dans la communauté, elle a toujours vécu avec une conscience aigüe des injustices. La réalité de la discrimination et des préjugés qui créent des barrières entre les personnes de toutes origines et les effets du sexisme qui contraignent les femmes dans des rôles subalternes et les marginalisent dans la vie publique la révoltent et expliquent une part de son action sociale. Souvent elle entend dire « Les asiatiques sont tranquilles, ils n’ont jamais de problèmes. Je dis oui, mais si on ne parle pas cela ne veut pas dire que nous n’avons pas de voix. J’ai constaté ces jugements des autres en France. En arrivant ici j’ai beaucoup aidé les femmes à s’exprimer plus ». En y regardant de près, Ming a pris conscience à 17 ans au Japon de la pesanteur des injustices « C’est la première fois que je réalisais d’abord qu’il y a une différence culturelle et qu’il existe de la discrimination. A Taiwan, il y a une discrimination envers les peuples autochtones, mais je n’en n’étais pas consciencte. Au Japon, les femmes n’ont pas beaucoup de place, tout d’un coup j’ai perdu certains privilèges d’être une femme. Ce fut le point de départ de mon engagement pour les femmes ».
L’inspiration de son action auprès des femmes Ming l’a d’abord puisée chez sa mère. « Pour moi l’indépendance économique et morale d’une femme c’est important. C’est ma mère qui me l’a fait comprendre ». Mariée au début des années 80 au Japon à un universitaire Français, père de ses deux enfants qui ont aujourd’hui 19 et 17 ans, « J’ai vécu, de la part de mon frère un rejet parce que je me suis marié avec un Blanc. Le fait que je puisse aller étudier au Japon était un grand privilège et je ne pouvais pas faire honte à la famille en dérogeant aux normes, même si mon ex-mari était un professeur d’université ». Elle explique son paradoxe « J’ai réalisé que j’appartiens à une génération perdue. D’une certaine façon je rejetais ma culture et j’étais attirée par les autres cultures, musique, littérature ». Nous savons qu’elle possède sa culture et qu’elle en est fière et la partage avec le monde entier.
Etre autonome économiquement, forger sa personnalité à l’aulne des valeurs de respect et de dignité sans compromis. Elle sensibilise, grâce à des ateliers de formation qu’elle anime, les fonctionnaires de la santé, du monde de travail dans divers secteurs professionnels, aux axes, aux valeurs, aux principes et aux réalités des cultures orientales et principalement de la Civilisation et de la psychologie des Chinois. Concrètement elle est fière du guide qu’elle a « bâti » sur la violence conjugale au sein de la communauté chinoise. Elle agit comme personne-ressource, aide et référence auprès des femmes en difficulté.
Une des contributions les plus significatives de Ming J. Shyr ce sont les séries d’émissions hebdomadaires à Radio Centre-Ville, une station multilingue de Montréal au 102,3 en modulation de fréquence (FM) dont la qualité de présence et de service public est sans conteste supérieure à tout ce qui se diffuse, en dehors du réseau communautaire, sur les ondes au pays.
Ming agit, elle édifie des ponts, non seulement entre la communauté d’origine chinoise de tous les horizons, mais encore entre les composantes de la société nationale et aussi sur le plan international. Ming s’est surtout fait remarquer par son rayonnement international, mais le local et l’importance des relations interpersonnelles lui tiennent à coeur. Elle a soif de connaissances. Rebelle de nature, elle explore des espaces mouvants et en expansion avec cette puissante énergie de la liberté qui caractérise les nomades.