L’homme est exceptionnel pour ceux qui comprennent l’immense balayage d’un esprit perspicace mis en action par des références organisées de manière brillante, un discours rigoureux, une vitesse de conception et d’analyse et surtout une capacité rare de prospective et de mise en situation que seuls des génies peuvent égaler, nous osons le dire, et comprendre en profondeur. Les surdoués sont plus souvent que les personnes ayant des limitations, peu compris des leurs. Omar Aktouf est brillant, l’organisation de ses idées, exprimée par le filtre de la méthode auquel il les soumet, il fait des liens, c’est le don le plus évident qu’il possède, au point où, plusieurs de ses interlocuteurs vont jusqu’à penser que cet avantage qu’il mesure avec tact, le conduirait parfois à une forme d’autosuffisance intellectuelle. Il n’est pas question de faire plus que le portrait de ce grand penseur de l’économie de notre temps qu’il est véritablement.

Regard de feu trempé et aiguisé au fil des expériences enrichissantes des écoles et des pratiques diversifiées qui l’ont façonné, Omar Aktouf est titulaire de deux maîtrises : une en Psychologie avec thèse (1972) “ Les problèmes d’adaptation et de gestion des ressources humaines dans les chantiers pétroliers de la SONATRACH ” de l’Université d’Alger/Jury de l’École pratique des Hautes études de Paris, une autre maîtrise en Administration des affaires (MBA en 1975-1976), gestion générale et majeure en organisation et ressources humaines des HEC de Montréal, un troisième cycle (1974-1975) en Gestion, Économie et Développement obtenu à l’Institut pour la Productivité et le Développement (INPED), Alger, et enfin, un Ph . D. en Management obtenu avec mention excellent, thèse soutenue le 14 janvier 1983 à l’École des HEC de Montréal. Le sujet: “ Une approche observation participante et interculturelle des systèmes de représentation symbolique dans les rapports de travail ”, est éloquent sur Omar Aktouf, sur sa vision, ses réflexions et ses travaux originaux.

Authentique maître à penser de la nouvelle économie, Omar Aktouf est l’inspirateur le plus solide des générations montantes de contestataires de l’ordre économique unidimensionnel et monopolistique strictement aligné sur les diktats de l’OMC et sur les mesures du FMI, mode monocorde et homogène de conjugaison de la mondialisation à la sauce étasunienne. C’est que le professeur titulaire des HEC est le premier conférencier en économie, par la qualité de ses présentations, la profondeur de sa réflexion et, par-dessus tous, nous disons bien par-dessus tous, Omar Aktouf orchestre avec les rimes de l’économie et de l’administration, les mélodies polyphoniques des disciplines structurantes et capables de livrer un angle analytique réel et une prospection historique et conceptuelle valable : l’histoire, la philosophie, la sociologie et la psychologie.

Cette approche examine de manière lucide et critique les contradictions de notre discours dominant sur la théorie économique ou managériale de la croissance indéfinie et les effets de mode que sont l’employabilité ou formation utile immédiatement dans un environnment de profusion médiatique, d’orgie informationelle alors que les résultats des gouvernements et des entreprises sont aux antipodes de la créativité et de l’innovation.

« On ne crée pas de richesse, rappelle Aktouf: on transforme. Et toute transformation fait une ou des victimes. Le capitalisme ne peut faire de profit sans faire aussi du chômage et de la pollution. Comme il faut rationaliser tout cela, on parle de la nécessité de se soumettre au règne absolu du marché supposé autorégulé. En réalité, ce sont les chômeurs et la pollution qui « font » le profit. » Cette citation provient d’un entretien que le professeur a accordé à Normand Baillargeon et que le quotidien Le Devoir a publié le mardi 7 septembre 1999.

Omar Aktouf est comme le décrit le texte le plus court qui le présente, a développé plusieurs domaines d’intérêt, soit la culture d’entreprise, la gestion par projets, la recherche critique sur les théories et les pratiques en gestion, la recherche sur le symbolisme et les activités de parole dans les organisations, la méthodologie et la pédagogie des sciences de l’administration. Auparavant, M. Aktouf a assumé diverses responsabilités de gestion, d’administration du personnel et de direction dans plusieurs sociétés. Il mène, par ailleurs, une importante carrière de consultant international. M. Aktouf est l’auteur de nombreux articles et de plusieurs livres dans le domaine de la gestion (dont, en particulier, Le management entre tradition et renouvellement, Montréal : Gaétan Morin, 3e édition mise à jour, 1999 (traduite en anglais, en espagnol et en portugais). Ses travaux ont été récompensés par le Prix de la recherche 1987 des HEC-Université de Montréal.

Ses travaux sont nombreux, il est d’une fertilité intellectuelle et académique unique, sans cesse sur ses gardes conceptuellement, frais dans ses réflexes académiques, souple et persévérant dans ses enquêtes en entreprises, sur le terrain constamment en témoin participant et dialecticien. Omar Aktouf répond à notre question sur ce qui fait qu’il agit : Ma motivation essentielle est la justice sociale et tout ce qu’elle implique comme changements radicaux nécessaires et dans nos conceptions fondamentales et dans nos pratiques concrètes; ce qui met en premier chef les rôles de l’État, de l’économie et des entreprises. Ses réalisations qui sont les plus significatives et qui donnent un sens à son engagement et à sa détermination : La publication d’un livre à caractère « social-humain » portant sur le management et qui s’avère un vif succès international, traduit en anglais, portugais, espagnol et bientôt en arabe et d’autres langues. Je m’efforce d’y faire réfléchir sur une impérieuse transformation de la pensée managériale vers un souci plus humain et plus écologique. Ce livre a déjà formé plus de 10 promotions de futurs managers de l’École des HEC-Montréal et bien d’autres à travers le monde, depuis la France, en passant par le Mexique et la Colombie, jusqu’au Brésil et des universités de Miami. Il me vaut aussi d’être régulièrement convié comme conférencier et consultant un peu partout dans le monde, en particulier par l’Agence de Développement International de la RFA, pour le service de plusieurs pays d’Afrique.

L’avenir des relations entre la majorité et les communautés d’appartenance, Omar Aktouf le voit ainsi, dans le contexte que nous vivons : Après l’horreur du WTC de New York, beaucoup de choses vont évoluer pour le bon et pour le moins bon entre ma communauté et la majorité. J’opte pour le bon : considérer ce grand malheur comme un appel à la prise de conscience de l’absolue nécessité de changer l’ordre mondial dans sa composante des rapports Nord-Sud. Et admettre qu’une justice sociale planétaire est indispensable pour le bonheur de tous : les pays riches ont un devoir de partage des richesses qu’ils obtiennent en très large partie des pays pauvres. Cette prise de conscience ne peut qu’améliorer relations et dialogues.