C’est d’entrée de jeu que cette femme, dévouée à la cause de la formation et de l’éducation de la jeunesse du Québec, mère de famille et engagée dans la politique scolaire, nous parle : Originaire du Maroc, je suis arrivée avec ma famille au Québec en janvier 1988. Je me suis installée par hasard dans le quartier Côte-des-Neiges et j’y suis restée. Engagée politiquement pour les droits de la personne dans mon pays d’origine, je me suis investie totalement dans l’action communautaire et scolaire. En effet, elle est candidate et élue membre du Comité d’école et du Conseil d’orientation de l’école Pascal Baylon que fréquentaient ses filles. Les démarches qu’elle coordonne aboutissent, réclamations pratiques concernant la propreté, les besoins d’un gymnase pour les élèves, nécessité d’une nouvelle école (Simone-Monet-Chartrand) dans un quartier majoritairement peuplé de familles issues de l’immigration. Plus sérieusement, Afifa Maaninou sait qu’il s’agit d’abord de la quête de dignité pour ces personnes, elle se présente aux élections scolaires de 1994 afin d’être à la fois représentante et actrice du changement. Elle est élue. Elle devient commissaire de la Commission scolaire de Montréal (CSDM).

Battante, femme de tête et de cœur, Afifa Maaninou aborde la vie avec une énergie exceptionnelle. Elle est diplômée de l’Université Paris VIII en linguistique générale et en informatique de gestion, elle conserve de ses études la méthode scientifique, l’analyse sereine et la valeur ajoutée que lui procurent ses talents de conciliatrice réaliste et de diplomate idéaliste. Elle a travailler dans le secteur de l’informatique de gestion pendant douze ans. Les résultats sont impressionnants : Forte du soutien des parents, j’utilisais mon nouveau rôle davantage pour les informer, les motiver et les maintenir mobilisés afin que le dossier épineux de la surpopulation dans les écoles à Côte-des-Neiges soit réglé définitivement et que leurs enfants aient de meilleures conditions de réussite. Ce travail sur le terrain, en direct avec les parents, a donné fruit et d’autres nouvelles écoles ont été ouvertes dont l’école des Nations, l’école St-Kévin, un centre d’éducation des adultes et tout récemment l’annonce de la construction d’une nouvelle école primaire.

L’essentiel de l’action de Afifa Maaninou consiste à faire en sorte que les communautés ethnoculturelles puissent prendre part, leurs droits et devoirs partagés, à la vie normale de notre société. Pour elle, il s’agit d’un échange et d’un enrichissement mutuels : J’ai participé à la création d’un comité-femmes au Centre d’études arabes pour le développement (CEAD) où, de 1990 à 1992, j’ai été membre du conseil d’administration et du comité exécutif de cet organisme voué à favoriser l’intégration des membres des communautés arabes du Québec à la société montréalaise et à la promotion de la solidarité canado-arabe. Poussée par le désir de m’associer à la communauté, j’ai siégé au comité pour les équipements collectifs du quartier Côte-des-Neiges ce qui a permis, notamment, à la suite de nombreuses interventions, la réalisation du projet de construction d’un complexe sportif dans le quartier. J’ai également siégé comme coprésidente du Comité du Oui d’Outremont afin de soutenir les revendications et les aspirations du peuple québécois.

Membre du comité exécutif du Conseil scolaire de l’île de Montréal (CSIM), où elle siège à titre de présidente soit de l’une ou de l’autre de ces instances, Afifa Maaninou explique la genèse de son engagement et de ses motivations :

Depuis mon enfance, j’ai été sensibilisée par ma famille aux injustices sociales et à la lutte pour les droits à la dignité pour tous les humains. Mon père, qui n’avait qu’un garçon et six filles, nous encourageait vivement à bien étudier, particulièrement nous les filles, et nous disait souvent : “ Mes chers enfants, j’insiste peut-être un peu trop sur les études, mais sachez que c’est le seul héritage que je vais vous laisser. Je veux que vous soyez autonomes ”. J’ai l’impression que j’ai été façonnée pour combattre l’injustice et l’exclusion partout où je me trouve. Ce combat peut prendre plusieurs formes; des implications dans des mouvements progressistes œuvrant pour la paix, la justice sociale, l’émancipation des femmes ou le droit à l’éducation ; des revendications plus concrètes telles les nouvelles écoles pour les enfants de Côte-des-Neiges (CDN).

Le bilan de la commissaire scolaire Afifa Maaninou est comparable à un palmarès : Les rénovations, les agrandissements et l’ouverture de nouvelles écoles primaires dans le quartier Côte-des-Neiges, l’ouverture d’une école pour l’éducation des adultes, le gel de la taxe scolaire en 2000. Immédiatement, Afifa Maaninou insiste pour souligner : Pour dire vrai, toutes ces réalisations n’ont pu se concrétiser que grâce au travail et au soutien de personnes qui généralement restent dans l’ombre. C’est ce travail en équipe qu’il faut reconnaître ; sans lui, personne ne peut faire avancer quoi que ce soit.

L’avenir place l’éducation au cœur des défis de notre société, Afifa Maaninou le dit et croit, non seulement à l’éducation dans le respect des cultures, mais surtout l’abolition des frontières au sein de notre société : Dans mon implication, la dimension interculturelle a toujours été présente. J’ai toujours travaillé avec toutes les communautés, je ne me suis jamais limitée à ma communauté. Je pense que c’est la meilleure façon de connaître et de se faire connaître par les autres, de développer la compréhension mutuelle et la connaissance nécessaire afin de lutter contre les préjugés et la discrimination. Le contexte dans lequel nous vivons depuis le mardi 11 septembre 2001 l’oblige à atterrir si l’on veut : Toutefois, depuis les événements survenus aux USA, un vent de méfiance s’élève vis-à-vis des Musulmans en général et des Arabes en particulier. Je sens la nécessité de joindre ma voix à celle de toutes celles qui clament la paix et dénoncent la guerre, et d’expliquer aux autres Québécois ce qu’est la civilisation musulmane, ce qu’est la réalité du monde arabe et du monde musulman, les distinctions et les nuances entre ces divers univers, afin d’informer et de contrer la méconnaissance qui engendre l’intolérance et de développer ainsi la solidarité entre tous les peuples. J’ai confiance que nous saurons tous ensemble construire un monde plus convivial.