Marie-Thérèse Chicha est professeure titulaire à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal et spécialiste en équité salariale, équité en emploi et gestion de la diversité. Elle a un doctorat en Sciences économiques de l’Université McGill, elle est membre du Centre interuniversitaire Immigrations et Métropole, du Centre d’études ethniques de l’Université de Montréal et du Conseil des Relations interculturelles et de l’Immigration du Québec. Chercheure invitée au Centre d’études de l’emploi (CNRS) et membre du Groupe d’études sur les discriminations (GT Rapport au droit et discriminations), elle a séjourné à Paris, de janvier à juillet 2000.

Au moment où se lèvent dans de nombreuses institutions des spécialistes spontanés dans le domaine, Marie-Thérèse Chicha travaille sur la problématique de l’équité en emploi et de la gestion de la diversité depuis une vingtaine d’année. Ses motivations prennent racine au plus profond des valeurs que ses parents lui ont insufflé, elle est trop discrète pour en parler, et s’explique : Les motivations de mes choix dans le domaine professionnel sont d’abord la difficulté d’accepter la souffrance et l’oppression qui naissent de l’inégalité. En tant qu’économiste, je m’intéresse aux inégalités sur le marché du travail. Une partie majeure de la vie de chaque être humain est absorbée par le travail. À travers celui-ci chacun devrait donc pouvoir développer son potentiel, se sentir valorisé et recevoir un revenu décent. Or plusieurs groupes – les femmes, les minorités ethniques et raciales, les personnes handicapées, les bénéficiaires d’aide sociale – sont dans une situation où un tel objectif est difficile à atteindre.

Marie-Thérèse Chicha est parvenue, au fil de ses travaux de recherche et de ses interventions sur le terrain, à se tailler une niche particulière, comme économiste et personne sensible aux inégalités sociales, militante pragmatique des droits des minorités, intellectuelle brillante porteuse d’une vision qui valorise les dimensions sociales dans la compréhension et l’analyse des processus économiques. En matière de recherches dans ce domaine, elle a notamment dirigé en 1998 une enquête en profondeur sur les programmes d’accès à l’égalité au Québec. Ses travaux et publications portent également sur la situation des jeunes appartenant aux minorités visibles sur le marché du travail et sur la formation en entreprise comme moyen de parvenir à l’équité en emploi, mais encore sur l’impact des transformations économiques sur les programmes d’équité en emploi pour les femmes et les membres des minorités visibles.

Dans The Gazette du 26 octobre 2001, était publiée une étude récente sur les réalités du marché de l’emploi dans la région métropolitaine de Montréal. Cette étude met en relief l’indécente condition que doivent subir les diplômés universitaires Noirs, à formation égale ou supérieure, ils vivent un taux de chômage de près de 30% contre moins de 10% pour leurs compatriotes Blancs. Où est l’égalité ? titre le quotidien anglophone. Marie-Thérèse Chicha : Mes recherches visent à mieux comprendre ces situations et à élaborer des mesures permettant de les améliorer. En même temps, ce qui me motive à poursuivre c’est le défi intellectuel que cela pose. Les théories économiques dominantes appréhendent très mal les phénomènes d’inégalité et de discrimination et il est nécessaire d’élaborer de nouvelles approches conceptuelles pour les analyser avec rigueur. La possibilité de concilier ainsi curiosité intellectuelle et recherche de la justice est pour moi une source importante de motivation et de persévérance.

C’est un septennat de développement et de reconnaissance progressive de sa notoriété que Marie-Thérèse Chicha vit depuis 1995. Au cours de cette année, Madame Chicha a présidé le comité d’experts qui a dirigé les consultations auprès des partenaires socio-économiques et préparé l’analyse et les recommandations qui ont conduit à l’adoption de la Loi sur l’équité salariale du Québec. Elle a été également directrice de la recherche au Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme. Elle a agi comme témoin-expert auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec ainsi que du Comité permanent de la Chambre des Communes sur les droits de la personne. En tant que spécialiste de l’équité salariale, elle a été invitée comme conférencière en France (Ministère de l’emploi et de la solidarité ; Délégation aux droits des femmes de la Ville de Rennes ) au Portugal (Conseil du statut de la femme), aux États-Unis (Governor’s Commission on Women de l’État du Vermont), au Danemark (Ministère du travail).

Sur les réalisations qui donnent un sens à son engagement et à sa détermination, Marie-Thérèse Chicha va plus en profondeur : Les réalisations les plus significatives, celles qui me donnent le plus de satisfaction, sont intangibles. C’est la découverte par certains étudiants des phénomènes d’inégalité sur le marché du travail grâce aux travaux qu’ils font dans le cadre de mes cours ou d’un mémoire que je dirige, et la passion que cela fait naître chez certains d’entre eux pour ces questions. Également, le fait que par mes écrits je puisse sensibiliser certains lecteurs ou intervenants à la situation difficile que vivent certains groupes sur le marché du travail et les amener à ajuster (même un tout petit peu) leurs interventions en conséquence. Auteure de nombreux articles dans diverses revues et livres, elle a à son actif quelques livres, notamment : Discrimination systémique. Fondements et méthodologie des programmes d’accès à l’égalité en emploi (Éditions Yvon Blais 1989) ; L’équité salariale: mise en oeuvre et enjeux (Éditions Yvon Blais 1997) ; Le système de comptes du travail total de Statistique Canada (avec Dr L.O.Stone, 1997).

Prête pour de nouveaux défis, Marie-Thérèse Chicha conjugue la vie quotidienne en parfaite symbiose avec ce qui fait la spécificité québécoise, mais son héritage lui donne un avantage considérable, elle en est consciente en toute modestie. L’avenir des relations entre la majorité ou la société en général et ses communautés d’appartenance, elle le voit ainsi : Ma communauté d’appartenance est québécoise. En ce qui me concerne cela traduit donc le fait qu’il n’y a pas de frontières entre ma communauté d’origine et celle où je vis aujourd’hui. Il est difficile de se prononcer sur l’ensemble de la communauté. On peut constater que de plus en plus de membres de la communauté libanaise contribuent de façon dynamique et souvent novatrice au développement culturel, social ou économique du Québec. Ils auront très probablement un effet d’entraînement sur les autres en leur servant de modèles, en leur montrant qu’ils peuvent réussir à part entière. Le problème c’est que souvent ces personnes se fondent dans la majorité, sont très discrètes et par conséquent la jonction avec leur communauté d’origine n’est pas évidente