Native de Sofia en Bulgarie où elle passe son enfance, Sonia Anguelova vit une  bonne partie de son adolescence à la Havane (Cuba), elle a seize ans, ses parents sont coopérants.  Puis, élève précoce elle y étudie la médecine, l’histoire de l’art.  À trois mois de ses 19 ans, elle réussit à quitter l’île de Fidel Castro et demande l’asile politique au Canada en passant par Gander, Terre-Neuve.  Trente-deux ans plus tard, Sonia Anguelova présente toujours la même force de caractère et ses convictions profondes restent inchangées : «Rebelle et indépendante, esprit libre et créatif.  Les cadre, qu’ils soient institutionnels, familiaux, ancestraux, s’ils sont imposés, me révoltent.  J’aime  me questionner, réfléchir et être créative dans ma vie sociale, professionnelle et privée.  La vie est une création et non pas l’exécution d’une pièce écrite d’avance, par nos parents, par le gouvernement, une personne ou par la société».

Sa vocation, ses actions, ses choix de vie, ce sont une série de mouvements qui s’enchaînent dans une cohérence que seule une philosophie de vie peut permettre de comprendre : «J’ai commencé comme bénévole il y a plus de 20 ans, dans le milieu québécois et communautaire, milieu qui est plus près de mes valeurs personnelles.  Je considère immoral et non écologique l’accumulation de biens matériels et de l’argent, au-delà des besoins essentiels.  Je me suis vite engagée dans les organismes d’aide et d’intégration des immigrants, à Québec d’abord dès 1979, et à Montréal, depuis 1999.  J’ai choisi  de vivre « la simplicité volontaire » il y a quelques années, en privilégiant la qualité de la vie et les contacts humains, plutôt que la course folle à la réussite sociale et à l’enrichissement matériel.  De toute façon, avec les salaires du milieu communautaire, impossible de s’enrichir !».

De sa jeunesse à l’âge mûr, l’expérience centrale de sa vie, celle d’une migrante comme elle se plaît à le dire, est source d’inspiration, elle y plante sa motivation : «Être utile à mes frères et sœurs immigrants qui commencent ici une nouvelle vie, d’où qu’ils soient.  Ayant maintenant derrière moi toutes les étapes, souvent douloureuses, de l’intégration, je peux en parler et transmettre mon expérience, mes réflexions, témoigner.  Je veux donner à la société qui m’a accueillie mon temps et mon expérience pour une plus grande ouverture, pour une meilleure compréhension des réalités de chacun, mais particulièrement celles qui sont propres aux personnes immigrantes.  Je souhaite ainsi qu’il y ait un traitement équitable et non pas des privilèges dû au statut social, aux avantages du portefeuille, ou à cause du fait d’être né ici».

Depuis vingt-deux ans elle crée, surtout grâce à l’écriture, mais aussi en musique, en tant qu’auteur-compositeur.  Elle a un succès littéraire avec Abécédaire des années d’exil, publié chez  Lanctôt Éditeur en 2001.  Une écriture qui colle à la vie, Sonia Anguelova a du talent, elle sait, comme une trapéziste, lâcher prise et reprendre les mots au vol, leur donner des vies qui sans cesse nous émerveillent : tons, accents, saveurs, le goût de la langue qui vit et exprime les sentiments et les émotions dans leur diversité.

Parler de ses réalisations nécessiterait beaucoup d’espace, notons : la mise sur pied et la gestion de la première Maison d’hébergement pour femmes violentées à Matane en 1980-1983.  Elle précise «Mes premiers écrits publiés datent de cette période.  Une série d’articles dans La voix gaspésienne sur la violence conjugale.  La création des outils de promotion, de formation, de suivi et d’évaluation du Programme de jumelage, projet-pilote qui est devenu un programme permanent du MRCI et  qui a été « importé » à Montréal et ailleurs au Québec. La mise sur pied et la gestion de la Banque régionale d’interprètes linguistiques et culturels à Québec.  La coordination du comité de rédaction de la Politique d’accueil et d’intégration des immigrants et immigrantes dans la ville de Québec.  Deux théâtres-forums traitant des relations interculturelles et réunissant des comédiens québécois et des collègues immigrants.  Je n’oublie pas les portraits d’immigrants que j’ai rédigé et qui ont été publiés dans le magazine Autrement dit».

L’avenir des liens entre notre société et ses communautés d’appartenance, Sonia Anguelova le voit dans la convergence : «La société est et sera  de plus en plus métissée.  Elle devient donc beaucoup plus ouverte sur le monde, moins chauvine, moins repliée sur elle-même.  Et puisque ma communauté d’appartenance est aussi celle des écrivains et  des écrivaines, je vois  de plus en plus de voix de migrants se joindre et prendre leur place dans la production littéraire québécoise ».