Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, publié en 1985. Tout un titre, celui de son premier roman, plus tard adapté au cinéma et traduit pour faire un succès superbe aux États-Unis. Dany Laferrière traçait son scénario de départ pour une carrière qui attirait ainsi l’attention avec tous les ingrédients de la curiosité, de l’humour, de la dérision et une façon de mettre en boîte une société dont les réflexes, les choix, les jugements et tous les préjugés s’alignent automatiquement sur les plus bas dénominateurs communs. L’écrivain Dany Laferrière se situe au point de convergence d’une volonté d’être respecté dans le présent, pour ce qu’il est, en faisant ce qu’il aime le plus, écrire et en même temps, brandir aux yeux des « obtus » le flambeau de leur propre ignorance.
Dany Laferrière est d’abord le réalisateur de sa composition, celle à laquelle il rêve. Il est précis : sur la pochette de Faire l’amour avec…, celle des Éditions J’ai lu, nous lisons « Des fantasmes, ce n’est pas ce qui manque dans la tête de ce jeune Noir. Assis devant sa vieille Remington 22, il rêve de gloire littéraire en écrivant son chef d’œuvre, Paradis du dragueur nègre. Chester Hines est son maître; le sexe, sa religion. Toutes les Miz de Montréal rêvent de s’envoyer en l’air avec un nègre. ». En 1987 sur la couverture de son deuxième roman Eroshima, une affirmation Montréal est sa ville où il puise joyeusement son inspiration et où il cultive frénétiquement son jardin imaginaire en attendant la Bombe parmi les gens qu’il aime ou qu’il admire le plus.
Avec L’odeur du café en 1991, Dany Laferrière, publie un récit, 200 pages. Les manipulateurs de ce qu’on appelle les médias disaient que l’écrivain devenait un personnage médiatique, une façon mesquine de nuire à l’auteur. Ce récit sur son enfance, sur le temps de l’innocence. L’écriture est coupée en angles comme les crochets courts et puissants du boxeur champion du monde Félix Trinidad dit Tito. Jamais deux sans trois. Le quatrième livre est un roman Le goût des jeunes filles, publié en 1992.
Désormais c’est de Miami que Dany Laferrière écrit. La distance nécessaire, le recul stimulant et fécond qui définit les contours de l’autonomie et permet, depuis la Floride, pour lui, une proximité avec un contexte d’inspiration et un univers effervescent. L’envol vers des horizons plus larges se dessine en 1993 avec un cinquième livre, un roman Cette grenade dans la main du jeune Nègre est-elle une arme ou un fruit? « Je voulais faire quelque chose de différent des autres… » dit l’auteur dans le livre. L’année suivante Chronique de la dérive douce La quarantaine un texte de poésie et de réflexion. 1996, Pays sans chapeau un roman chez un nouvel éditeur, fini VLB, maintenant c’est Lanctôt. Dany Laferrière en est à son huitième ouvrage. « Ce que je peins, c’est le pays que je rêve. Et le pays réel? Le pays réel, monsieur, je n’ai pas besoin de le rêver. ». La chair du maître, en est le titre plus de 300 pages. 1997.
Depuis, la consécration, une notoriété gagnée, une verve solide et cette hargne sereine du marathonien du verbe. Vivant, habile et sachant manier l’humour, Dany Laferrière brille par son esprit pétillant et une imagination chatoyante toujours renouvelée. Original, intelligent, il vit de l’écriture car c’est son oxygène.