Il existe des personnes qui respirent l’équilibre et dont la vie dans son déroulement semble, sans cesse, produire pour eux et les leurs, à travers leurs engagements, un ensemble de situations, d’histoires de vies, de rencontres qui sont autant de sujets d’intérêt qui méritent d’être part de notre conscience historique, car ils ne font que la façonner.
Amel Belhassen se présente avec cette ligne directe et une lucidité qui parle plus de son esprit d’analyse et de loyauté envers elle, vis-à-vis de ses convictions profondes : Je suis canadienne d’origine tunisienne et mère de deux enfants. Je suis chargée de cours à l’Université du Québec à Montréal et donne actuellement un cours sur la condition de la femme immigrante. De par mon origine ethnoculturelle et mon statut d’immigrante, la question de l’immigration me passionne et la compréhension des conditions de vie des immigrants et immigrantes en pays d’accueil (le vécu des femmes, l’accès au marché du travail des immigrants et immigrantes, etc.) constitue mon principal axe de recherche dans le milieu académique ainsi que dans le milieu communautaire.
Son parcours académique est précis. Entre le moment où elle obtient sa maîtrise en sociologie de l’Université de Tunis en 1983 et celui où elle obtient une autre maîtrise, cette fois de l’Université du Québec à Montréal en 1994, il y eu le départ du pays natal et la nouvelle vie au Québec dès 1984, comme boursière de l’Agence canadienne de développement international. Le titre de son mémoire de maîtrise est éloquent sur ses intérêts : Le nouveau modèle industriel : le cas d’IBM Canada. Les thèmes clés sont : la transformation du marché du travail au Canada, les modes de gestion des ressources humaines. Ses choix sont orientés vers la sociologie économique, les politiques d’immigration internationale, Amel Belhassen prépare son doctorat. De 1994 à 1998 : scolarité de doctorat en sociologie à l’université du Québec à Montréal. Examen de synthèse passé avec succès. Les sujets sont : les approches sociologiques de l’immigration (rôle de l’État, intégration au marché du travail, débats autour des traitements sociologiques de l’insertion socioprofessionnelle (les différents aspects de l’insertion, l’influence du marché du travail, etc.).
Amel Belhassen prépare donc la soutenance de sa thèse de doctorat dont le sujet porte sur les stratégies d’insertion des immigrants dans le marché du travail à Montréal. Avant d’arriver au Québec, elle avait travaillé en Tunisie pour le Ministère du travail dont elle dirigeait le Service de la formation, depuis, ses activités professionnelles lui ont permis, à titre de chargée de cours ou de coordonnatrice d’équipe pour des projets d’envergure, de participer à différentes structures : Réseau québécois des chercheurs féministes, Institut de formation autochtone du Québec, Centre d’études arabes et de développement, Réseau des chercheures africaines de la diaspora, Rassemblement arabe à Montréal et Centre de recherches et d’études en sociologie et technologie de l’UQAM.
En phase avec les femmes immigrantes de toutes origines, mais surtout attentive au développement de ses compatriotes, Amel Belhassen fonde en 1996, et copréside depuis ce temps, l’Association tunisienne des mères du Canada. Elle explique : Notre association s’est donnée comme objectif d’aider, à travers les mères (mamans), les familles immigrantes à s’adapter à leur nouveau contexte d’accueil. Nos actions et champs d’intervention couvrent plusieurs aspects de la vie quotidienne des familles immigrantes tels que:
la gestion de la diversité en milieu scolaire, la prévention de la violence faite aux femmes, le soutien aux femmes victimes de violence conjugale, l’insertion des femmes immigrantes sur le marché du travail. Les activités de notre association ont suscité un grand intérêt dans le milieu. Cet intérêt s’est manifesté par le grand nombre des mères et des personnalités publiques qui ont participé à nos activités ainsi que des organisations et des commanditaires arabes ou canadiens qui ont accepté d’être associés, sous diverses formes, à ces activités.
Amel Belhassen centre son action autour de sa mission qui est de construire des ponts dans une harmonie qui lui permet de dégager un axe entre sa vie de citoyenne, son engagement communautaire et son déploiement académique et professionnel. Elle en parle avec passion : En plus de mon engagement au sein de ma communauté arabe, je suis active au sein de certains organismes québécois pour faire connaître nos conditions de travail et de vie dans la société d’accueil. En ce sens, je collabore, à titre de membre du Réseau québécois des chercheures féministes, à une recherche sur les difficultés d’insertion des femmes chercheures d’origines diverses dans le milieu universitaire. Prévue pour le mois de fevrier 2002, la publication de cette recherche vise à faire ressortir la précarité et la marginalisation des femmes chercheures venues d’ailleurs dans le milieu de la recherche universitaire.
Nous pouvons comprendre ce qui la motive : faire connaître la culture arabe aux Canadiens et Québécois afin de les amener à changer les perceptions qu’ils se font de la femme arabe et de ne plus la considérer comme recluse, soumise à la domination de l’homme, etc. Permettre aux femmes arabes de connaître la culture de la société d’accueil, et d’avoir une meilleure connaissance des institutions et des valeurs démocratiques afin de pouvoir vivre pleinement leur citoyenneté.
Elle poursuit un objectif concret dans sa détermination sereine de chercheure et de femme de terrain, contribue à la libération des femmes immigrantes dont certaines sont captives à cause des lois sur le parrainage : Bien que sa durée ait été ramenée à trois ans au Québec, le parrainage demeure inacceptable à bien des égards pour les conjointes parrainées. Le parrainage contribue à placer la femme immigrante dans une situation de vulnérabilité et la maintenir dans la dépendance à son mari (violence conjugale). Nous allons soumettre des recommandations au gouvernement fédéral pour réformer la Loi sur l’immigration afin d’accorder aux épouses la résidence permanente sans qu’elles soient soumises aux règles du parrainage.
L’avenir des relations entre ses communautés d’appartenance et la majorité, Amel Belhassen le situe à un autre niveau : Cette intégration se fait dans le respect des spécificités de chaque groupe et ce, dans le but de développer des relations harmonieuses entre les divers groupes sociaux. Le type de relation que la majorité peut avoir avec un groupe minoritaire ne pourrait pas être déterminé par un événement précis. Rappelons que la communauté arabe vient d’une immigration assez ancienne et a su, au fil du temps, s’ouvrir sur la culture dominante, s’intégrer dans la société d’accueil en préservant ses spécificités culturelles. Pour finir, nous dirons que dans un monde en évolution permanente, les peuples doivent apprendre à vivre ensemble et à relever des défis permettant le mieux être de l’être humain indépendamment de son appartenance ethnique, culturelle ou religieuse.